Dans la société marquisienne, une hiérarchie très organisée classe les autorités du culte. Les « taua » sont les grands prêtres (parfois des femmes) ; les « moa » sont les
serviteurs des grands prêtres; les « tuhuka oko » sont les très savants ; les « tuhuka » sont les savants de second ordre.
Les « taua » du premier ordre, sont ceux en qui un Dieu s'est enfermé. Les marquisiens pensaient que Dieu choisissait de s'installer dans le « taua ». Celui-ci aurait
ensuite le devoir d'annoncer la volonté du Dieu, de demander des victimes et de présider aux sacrifices et à certaines cérémonies.
Un ancien missionnaire (P Garcia) raconte comment le Dieu prenait possession du « taua ».
C'était dans un lieu sacré, la nuit le plus souvent, pendant que le grand prêtre se reposait, la tête appuyée sur le tronc d'un cocotier. Il criait parce qu'il entendait venir le Dieu. On
entendait un bruit tantôt fort tantôt léger mais toujours étrange, une sorte de ventriloquie, art que les marquisiens n'ignorait pas. Le grand prêtre annonçait : le voilà le voilà ! Je le
tiens... Je le serre dans la main ; d'autre fois, il prétendait qu'il était descendu dans son ventre.
Le « taua » devenait alors triste, sombre et tremblait de tous ses membres puis il partait avec ses serviteurs, les « moa » parcourir le pays porté par une force
invisible. Avec ses serviteurs, il pratiquait des danses grotesques et respectait des règles très strictes quant à la boisson et à la nourriture. Lorsqu'ils passaient chacun devaient rester au
logis sans allumer de feu ; tout travail devait cesser.
De retour dans sa tribu, le « taua » montait sur les pavés spéciaux des cérémonies, et dans un délire haletant, dans un accès de fureur, il s'écriait « il faut
des victimes humaines… Il en faut (il disait le nombre) vous les trouverez dans tel endroit...
Alors les guerriers partaient avec confiance et ne se trompaient pas souvent.. On raconte qu'il n'y avait jamais d'erreurs.
Les victimes étaient ramenées puis présentées sur la place publique. La femme taua venait faire des évolutions devant elles et si elle portait un bâton de bois de fer (appelé »hoto »)
c'était le signe qu'elle allait demander des victimes ; si elle portait un morceau de canne à sucre il y avait tout lieu de penser qu'elle ne réclamerait pas de victimes.
Les « taua » inspiraient une crainte respectueuse voisine de la terreur. Tous ceux qui passaient sur leur ombre, sur leur natte, sur leurs habits etc... Et tous ceux qui cherchaient à
entraver leurs desseins étaient « dignes de mort ».
Chez les anciens marquisiens, la guerre était une distraction et tous les prétextes étaient bons pour la déclencher. Ce n'était pas le chef de la tribu qui dirigeait les opérations mais un chef
de guerre, ayant les qualités pour combattre. Une véritable stratégie réglait toutes opérations : préparation des pirogues, entretien du matériel, construction de fortifications. Les combattants
n'avaient pas le droit de rencontrer les femmes, ils étaient souvent recrutés parmi les « kaioi » (animateurs danseurs). Il fallait absolument être tatoué pour inspirer la terreur à
l'adversaire. Le guerrier était orné de plumes, d'un bandeau, de plaques blanches sur les oreilles etc… À la ceinture était accrochés les crânes de ses dernières victimes garnis de petits
cailloux. L'arme favorite était le casse-tête long de 1m50.
Il y avait aussi des lances, des frondes et des épieux en bois de fer. Leur armement servait à attaquer; la seule défense c'était la fuite qui n'était pas considérée comme une lâcheté.
La guerre avait lieu pour se procurer quelques victimes pour les cérémonies ou par vengeance.
Tant qu'une vengeance personnelle n'était pas assouvie, l'intéressé se rasait un côté de la tête et rassemblait les cheveux du côté opposé en une mèche qui passait à travers une bague d’os
humain. Le plus souvent, les vengeances personnelles se réalisaient par un raid où l'on faisait prisonnier des femmes et des enfants que l'on immolait au « meae » et que l'on mangeait
après avoir montré une très grande cruauté...
Les batailles avaient toujours lieu de jour, car on craignait les « vehine hae » (fantômes) qui courent la nuit. Le casse-tête était une arme redoutable presque toujours mortelle.
La guerre se vivait comme un film jour après jour avec des conteurs qui chaque soir racontaient les événements.
Lorsqu'une tribu désirait la trêve elle envoyait des émissaires pour amorcer les négociations.
À l'occasion de funérailles ou simplement pour se reposer, on demandait la trêve en brandissant une branche de cocotier. Quand on désirait la paix, on envoyait un porteur qui du haut d'une
colline agitait un «hu’umana » (branche de cocotier ou de palmier). Les deux chefs ennemis se rencontraient, et s’offraient des présents ( tortues et
victime humaine…). La victime immolée était le plus souvent une jeune femme. Parée et huilée, la pauvre était brûlée vive au bord de la mer(heaka vai titi) pendant que l'on chantait l’hymne de la
paix. Les tribus étaient alors unies comme les doigts la main. On échangeait même des enfants et des noms.
En cas de défaite d'une des tribus, le parti vaincu au cours du combat procédait à une cérémonie d'envoûtement. On mêlait le sang de ses guerriers tués à un peu de terre et on allait délayer le
mélange dans l'un des ruisseaux où la tribu qui avait triomphé prenait son eau afin qu'elle soit battue au prochain combat.