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2 février 2010 2 02 /02 /février /2010 18:46

 

Les sculpteurs des Marquises montrent beaucoup de qualités dans la réalisation des objets de leur culture. Certains jeunes créateurs leur reprochent de copier/coller les modèles classiques. La finition atteint presque la perfection au détriment de la création. Mais...

EX6

 

Une nouvelle vague de sculpteurs (ils ne sont pas nombreux mais on en découvre de nouveaux régulièrement),  produit des œuvres qui échappent aux réalisations traditionnelles. Ces artistes veulent tenir compte de la matière employée, de sa forme originelle, des couleurs et des fractures pour créer,  plutôt que copier les modèles des « tupuna ». C'est un défi au carcan imposé par les « détenteurs de la culture » ; c'est une ouverture vers l’art qui devient l’outil des sentiments, des états d’âme ; un outil capricieux, rebelle et provocateur pour l’académie des « tuhuka ».

Les matériaux employés restent d'origine végétale ou minérale. Le bois de rose (miro), le toù le cocotier et toutes sortes de pierres volcaniques sont utilisés, la pierre fleurie  est toujours  la vedette. Cette démarche en est à ses premiers pas mais le clan de ceux qui veulent personnaliser et prendre de la liberté grandit.

 

Tony est un sculpteur créatif (il me dit pourtant, il y a peu,  souffrir d’un tarissement d’appétit créative) . Alors que bon nombre de ses collègues se contentent de reproduire les objets traditionnels avec parfois quelques variantes, il construit un parc, dans lequel vont cohabiter de grandes sculptures en pierre qui raconteront les légendes marquisiennes ou représenteront les conceptions que la société des anciens avait. Sur l’île de Ua Pou, où il réside, les grands Tikis sont rares.

Il n'est pas avare d'explications, se montre sensible à l'intérêt que les visiteurs portent à ses créations et défend vigoureusement la culture marquisienne. Mais comme tous les « tuhuka » il voudrait voir ses projets avancer dans la société locale et ce n’est pas simple…

scupteur Ua Pou4

Il est en train de réaliser deux sculptures qui ont particulièrement retenu notre attention.

La première est classique aux Marquises :

Une vision de la mort où le corps en croix se recroqueville, séparé de la tête, l'élément de base qui contient la magie (le mana) chez les anciens ; Tony explique que le guerrier voulait essentiellement récupérer la tête de sa victime pour en posséder la force et l'intelligence. Cela rejoint l'observation que l'on fait lorsque l'on trouve ces crânes dans les pae pae en l'absence des restes des squelettes.

scupteur Ua Pou5

La deuxième est très originale…

Une  sculpture, dont le dessin a été réalisé par les visiteurs de l’île de Pâques, à l'occasion du dernier festival  des Marquises. Cette sculpture représente Makemake une princesse de Hiva Oa qui aurait, après sa mort, emprunté le chemin qui mène à « Kea éé hauhane » (au fond de l’océan dans une baie de Paumea à Ua Pou), la pierre, dernier tremplin avant le paradis marquisien « Havaiki » (situé au large de Hiva Oa). La légende raconte que Makemake serait arrivée à une intersection entre deux conduits et se serait trompée, prenant à la place du chemin de Havaiki, le conduit qui mène à l'île de Pâques. Là bas, elle aurait été transformée en « homme oiseau ».

scupteur Ua Pou6

Dans sa sculpture, Tony représente Makemake dont  les cheveux s'enroulent autour d’un moaï (statue de l'île de Pâques) et un tiki, symbole marquisien. Entre les deux personnages, un pilon outil de la vie sur ces îles. On précisera que les habitants de l'île de Pâques sont d'origine marquisienne…

Tony chez qui nous avons passé ce dimanche est un personnage hors du commun dans le monde de la sculpture qui combine le geste avec la pensée, le mot, le récit et l'émotion.

Chacune de ses sculptures, chacun de ses tableaux de pierre est accompagné d'un récit, écrit par lui en marquisien ; récit explicatif ou récit narratif. Ces textes sont souvent difficiles à traduire en français car la pensée du sculpteur est si subtile qu'une traduction approximative (le créateur ne gère pas les deux langues de la même façon), ne communiquerait certainement pas les sentiments de leur auteur. Il nous expliquait, cet après-midi, qu'il avait beaucoup cherché pour traduire un terme marquisien assorti à l'une de ses œuvres, hésitant entre : «  malade d'amour » et «  malade de l'amour ». Traduire … c'est parfois si compliqué …

 

 

Dominique, lui,  est un jeune sculpteur de l’Ile de Ua Pou. Il a choisi de se spécialiser dans le travail traditionnel sur l'os et sur le rostre d'espadon. IL  sculpte  dans un petit atelier typique, attenant à la maison.

Les os qu'il utilise, viennent de bovins qui vivent en liberté sur l'île voisine : Nuku Hiva. De véritables chasses sont nécessaires. Il faut souvent deux ou trois jours d'expédition avec un bivouac dans la brousse, pour tuer et débiter les animaux devenus sauvages et les acheminer à dos d'homme dans un relief très difficile.

scupteur Ua Pou1

Au moment de ma visite, il venait de saler une bête. Il avait empilé les morceaux de viande dans une poubelle,  en les recouvrant de galets, pour en favoriser la conservation. Il avait récupéré les os de la bête pour en faire des objets de son art.

Dominique prépare un voyage vers Tahiti pour participer à une exposition d'art marquisien, dans laquelle il espère le succès. Il me précisait : « j'ai arrêté de vendre les objets aux touristes de passage car je veux les garder ; ils sont mes enfants et constituent ma personnalité ». Il faut dire que la finesse du travail a tout pour séduire les amateurs.

scupteur Ua Pou2

On retrouve dans la décoration, les motifs classiques des Marquises. L'artiste ouvert, talentueux et imaginatif,  crée dans un secteur où les spécialistes sont rares.

Dominique vient d'une famille de sculpteurs. Tous ses frères, son père, son grand-père et son arrière-grand-père sont ou ont été des sculpteurs.

Actuellement, les outils modernes ont bien changé le travail. Il me précise : « mon grand-père n'avait pas le tour, pas de fraise ; il sculptait avec son couteau et quelques outils très simples. Quand il faisait cinq kookas dans le mois, c’était bien ».

scupteur Ua Pou3

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