Tout a été déjà écrit sur Brel, la personnalité et l'immense talent du belge. Ce blog, quant à lui, s'intéresse surtout aux petites histoires, aux mots de la rue...de la brousse. Alors, on s'en tiendra aux propos transmis par les locaux dans nos bavardages...
Ici, à Ua Pou, il était plus apprécié, comme personnage participant à la vie marquisienne, aidant de son mieux les îles, que comme chanteur, trop intellectuel et dont les mélodies "ne montaient pas assez haut" (sic).
Il faut préciser, qu'il distribua le courrier de Ua Pou pendant deux ans (jetant les sacs en passant puis se posant sur le très difficile aéroport de Anéou) et qu'il assura les évacuations sanitaires des malades de l'île. Une de mes amies a été évacuée par lui: "un grand monsieur qui parlait peu et sifflait fort dans l'avion".
Il fut invité à une noce à Hakahau et Ben (un intellectuel marquisien) me raconte:" connaissant son talent, j'ai essayé de le faire chanter; il se fit longtemps prier, manifestement peu à l'aise...Enfin, il accepta: ce fut un four...les gens ne comprenaient pas...
Quand on vit aux Marquises et que l'on apprécie la vie et les habitants de ces îles, on sent la pertinence des paroles de sa chanson "aux Marquises". Les amis me répètent souvent leur segment favori: "gémir n'est pas de mise aux Marquises".
Brel arriva un matin de novembre 1975. Askoy, son voilier entra dans la baie de Hiva Oa. La gendarmerie maritime se dirigea vers lui et un quart d'heure plus tard revint demander à Marc Bastard, un professeur de maths à Sainte Anne d'accepter de rejoindre "le chanteur" sur son voilier pour lui donner des renseignements sur l'île. Brel voyageait avec Madly et l'échange sympathique avec Marc Bastard créa une amitié entre les personnages.
Marc Bastard raconte: "Ils étaient partis huit mois plus tôt d'’Anvers et arrivaient aux Marquises après plusieurs escales"
La maison de Brel à Hiva Oa
Le surlendemain, Brel croisa Bastard et lui annonça: " Finalement nous restons ici. Le pays est beau, les habitants agréables, et Dieu merci, ils ne me connaissent pas!". Il voulait redevenir un homme comme tout le monde, il avait été opéré d'un cancer, une partie du poumon droit lui avait été enlevée.
La dernière rencontre de Marc Bastard avec Jacques Brel eut lieu deux mois avant la mort du chanteur. Assis sur sa terrasse, il lisait un ouvrage à côté de Madly.
"C'est bien ton bouquin?
-"changer la mort" du professeur Schwartzenberg...tu vois, j'apprends à mourir!
Ascoy termina sa carrière échoué dans les sables du Pacifique
Brel nous a quitté il y a trente ans.
Un vendredi matin, Sœur Rose, une de ses amies le trouve dans le petit hôpital de Hiva Oa. Il a eu des soucis de santé la nuit (Brel lutte contre le cancer depuis longtemps déjà).
Lui, qui distribue le courrier à Ua Pou chaque vendredi, affirme à son amie qu’il va prendre la direction de l’île et effectuer son service. Plus tard, Sœur Rose apprend qu’il a été évacué sur Papeete puis sur Paris…elle ne le reverra plus.
Soeur Rose
Brel a vécu deux ans aux Marquises. Il a laissé une chanson qui a marqué l’archipel ; « Les Marquises » a été écrite en une heure seulement, mais Madly précise que depuis longtemps Brel avait observé les Marquisiens avec beaucoup d’attention et que sa chanson était déjà construite dans ses pensées.
Brel et Madly (sur la tombe du chanteur)