Parler de cannibalisme et de sacrifices, c'est évoquer des horreurs qui font partie de l'histoire des hommes.
J'ai régulièrement l'occasion d'aborder le sujet avec mes amis marquisiens ; cela se passe aussi facilement que si l'on devait parler des cruautés perpétrées au Moyen Âge, en Europe et ailleurs.
Le texte qui suit est très dur, j'ai fait un simple copier/ coller, car on ne peut pas réécrire ces mots ; il faut dire que j'aurais eu autant de mal à décrire des scènes où des gens ont été roués sur la place publique d’une ville française devant des dizaines de spectateurs (leurs voisins) et d'autres accusés de sorcellerie après avoir avoué sous la torture, ont été conduits au bûcher sous les clameurs de la foule et l’aval de l’église…
La cruauté fait certainement partie de la construction génétique des êtres humains. En principe, la société a progressé pour réguler ces travers naturels. Malheureusement, tout n’est pas aussi simple partout…
1856 : Le poisson humain (Mgr Dordillon)
"Lorsqu'un peuple, pour un sujet quelconque, est parvenu par la force ou le stratagème à se procurer une victime, soit un homme ou une femme, soit un enfant ou un vieillard, soit vivante ou morte, deux hommes des plus robustes la saisissant par les pieds et les mains, l'attachent solidement sur une longue perche, la chargent sur leurs épaules et marchant l'un devant l'autre la portent suspendue entre eux deux sur la place publique, point de rassemblement où déjà se trouvent réunis les tuhuka les prêtres et tout le peuple, tous parés comme aux plus grands jours de fête.
Cependant les tambours aux battements lugubres et sauvages, se mêlant aux chants ou plutôt aux cris les plus barbares, annoncent au loin l'approche de la victime. Aussitôt qu'elle paraît, la musique infernale redouble d'horreur. Arrivée sur la place publique, à l'endroit désigné la victime est jetée par terre, les tuhuka l'environnent et les chants cessent. Alors le chef des tuhuka pousse un cri sauvage et tourné vers la victime il entonne et poursuit d'une voix de cannibale le chant suivant, accompagné de battements de main et de gestes les plus expressifs et les plus analogues à la circonstance et qui peignent le mieux toute la joie féroce qu'il ressent; Tuku a ! Tuku a! Tuku a !
E tama ! E tama ! E tama !
Hapai ! Hapai ! Hapai !
( Ici, on élève la victime suspendue à la longue perche sur laquelle elle est attachée, le tuhuka continuant toujours son chant.)
Koi a! Koi a! Koi a !
( Ici, les deux hommes qui tiennent la victime levée et suspendue la jettent par terre.)
Hanau a ! Te tama ! Hanau é ! Hanau é ! I te kui ko ia ! E te manu a u ! A éé te tui ! A éé ki tai! Hati mai te rau o te tai ! Tekiteki to vae (ou vai - illisible) me he vae o te tupa! O te tupa i ahukena é ! É ! O! Te vaka kao! Ao a te vaka ki atu! Umia , ei Euaukaki ! hia! Eutoake, e tama na Haumi a ! Kai ! O Tetuaono te kouuoo, peenei hoki te vaka kaeke i uka he Toea, o te Toea te vaka oko, oia huioko, o te Toea te vaka, o te Tokaoa, ua haka me te vaka peenei a. To vaka kaeke i uka he Toea é! E Tekouo! kouoo te Atumoana i! é! A... Ku! Taa ua i! i
Ici, le tuhuka monte sur une espèce d'estrade ou petite élévation de pierres de forme carrée, et tenant à la main un grand hameçon au bout d'une ligne de pêche, il le met dans la bouche de la victime et continue de chanter :
Haka au ! Haka au te metau, e to oe tihe ! Metau a Taiko ; e to oe tihe! Metau a Tavake, e to oe tihe ! Ua haka au te mouka e to oe tihe ! E mouka Kapua! Mouka Koreko! Haka au mai te puaka, e to oe tihe ! Haka au mai Moeoho au! Haka au mai Anieui, e to oe tihe! haka au mai Hovai ! E kua te metau Naeka é te ia mei hea ? I te ia mei tai Naeka, na Kutukia. O haka tahataha Naika i metau rua ! O Hakahiahia Naeka, e metau ei ! O Haka hahahaha e metau ake ! Tuku iho i ao! i ao i utu rua ! Na hua kaioi ! Na hua mounave (?) o Rai ta u ika o Neautoake (?), na ta u ikaikai aki ! o Titirua ( Titikua ?) tinaku ii! Tuki, tuki moa ! E hia Kumoa ? Na te tupu mai ? O Niénié, o Viteueeke ! E tahe ! E apa koe i ! I tai ! I Havaiki ! Aua koe e taki uti mai ! Ue te motua é ! Te tama o! Te piheo é! Te haétoa é! Apa koe! i tai! I Havaiki!
Pendant cette dernière partie du chant le tuhuka soulève de temps en temps la victime avec l'hameçon qu'il tient à la main , puis le laisse retomber par terre et enfin lui arrache avec ses ongles et l'un après l'autre les deux yeux, le cœur (?- illisible-), le dessous des pieds et le dedans des mains, qu'il dévore. Le reste du cadavre est ensuite cuit au four, coupé par morceaux, distribué et mangé par tous, à moins que cette victime ne soit pour le dieu car alors on la porte intacte dans le lieu sacré où on la laisse suspendue à un arbre, jusqu'au troisième jour, après lequel on la descend et on l'enterre. Ou du moins on la cache dans les pierres, sur lesquelles le dieu fait sa demeure.